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EHPAD : l’évaluation gériatrique, un bilan à ne pas zapper !
Le gériatre Benoît Gien à Nantes mi-septembre 2. Crédit: Emmanuelle Debelleix/Gerontonews
Désormais inscrite en tant que mission des médecins coordonnateurs, l’évaluation gériatrique de l’état de santé des résidents est encore trop souvent, si ce n’est négligée, tout au moins réalisée de façon parcellaire. Outil précieux, notamment pour prévenir l’aggravation de la dépendance, ce bilan est pourtant "crucial", souligne le gériatre Benoît Gien.
Evaluer les besoins en santé d’un résident à l’occasion de son entrée en établissement? Pour vous, professionnels d’Ehpad, cela relève, ou presque, de l’évidence. Mais réaliser qui plus est une évaluation gériatrique? La démarche est pour le coup moins systématique.
A l’occasion de la publication, en 2016, de recommandations relatives au repérage des risques de perte d’autonomie ou de son aggravation pour les personnes âgées en Ehpad, feue l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) rappelait d’ailleurs qu’en 2010, "l’évaluation des risques et des fragilités n’était réalisée que pour 48% des résidents".
D’aucuns pourraient arguer que les choses ont évolué. Certes. Suffisamment? C’est moins sûr. Pourtant, l’évaluation gériatrique fait désormais clairement partie des missions du médecin coordonnateur, comme l’a rappelé, mi-septembre, lors de la 9e journée de management et coordination en Ehpad organisée à Nantes par l'Association gérontologique de recherche et d'enseignement en Ehpad (Agree), Benoît Gien, exerçant en Loire-Atlantique au centre hospitalier de Saint-Nazaire et comme médecin coordonnateur à l'Ehpad Louis-Cubaynes de Piriac-sur-Mer.
Le décret de juillet 2019 précise ainsi que le médecin coordonnateur "coordonne la réalisation d’une évaluation gériatrique et, dans ce cadre, peut effectuer des propositions diagnostiques et thérapeutiques, médicamenteuses et non médicamenteuses". Cette évaluation est "réalisée à l’entrée du résident puis en tant que de besoin", et ses conclusions sont transmises au médecin traitant.
C’est "une évaluation cruciale", a insisté le gériatre. Non seulement car "elle permet d’établir une ‘photographie’ du résident à son entrée dans l’établissement. Mais aussi car elle permet de réaliser une évaluation personnalisée de sa fragilité par la recherche de ses risques propres, et donc de préparer plan de soins personnalisé, suivi médical et prévention des complications".
"Sans oublier qu’elle facilite également le codage Aggir et Pathos!"
Cette évaluation gériatrique standardisée est pilotée par le médecin coordonnateur, mais celui-ci n’est pas le seul professionnel impliqué, a-t-il ajouté. Soulignant: c’est une "procédure diagnostique multidimensionnelle et pluridisciplinaire visant à identifier l’ensemble des problèmes médicaux, fonctionnels, psychologiques et sociaux des sujets âgés". Psychologues, kinésithérapeutes, infirmières coordinatrices, ergothérapeutes peuvent donc prendre en charge une partie du bilan.
Et pour les Ehpad qui n’ont pas de médecin coordonnateur? Tout en se disant conscient que cette évaluation est "réalisée avec les moyens du bord", le gériatre hésite. Faire appel à une équipe mobile de gériatrie? "Pourquoi pas".
Reste que cette nouvelle mission des médecins coordonnateurs implique, a souligné Benoît Gien, qu’ils maîtrisent les principes, les objectifs, l’utilisation et l’interprétation des échelles de l’évaluation gériatrique, et qu’ils intègrent vraiment cette dernière dans leurs pratiques.
Certes, à première vue, "la liste des examens à conduire est longue"! C’est que pour conduire une évaluation gériatrique réellement "standardisée", il ne faut rien zapper: "cognition, comportement, thymie, nutrition, douleur, pathologies d’organe, mobilité, autonomie, pertinence thérapeutique, statut vaccinal, statut juridique".
Sans compter qu’il y a "l’embarras du choix" question échelles d’évaluation.
Pourtant, a fait remarquer le gériatre, on oublie trop souvent la base de cette évaluation: "l’examen clinique, qui passe aujourd’hui de plus en plus souvent à la trappe". "C’est une étape pourtant essentielle! Et pas forcément longue à réaliser":
- examen cardiovasculaire -coeur, tension artérielle, pouls distaux, éventuel oedème, poumons-
- examen neurologique -avec recherche de syndrome extra-pyramidal, raideurs, syndrome pyramidal et d’éventuelle paralysie-
- palpations -de l’abdomen, des seins, des aires ganglionnaires, de la masse musculaire, de la prostate-
- examen cutané -fragilité de peau, zones humides, mycoses, plaies-…
Et le tour est joué.
Le 17 septembre, Benoît Gien a récapitulé quelques-uns des outils relatifs aux principaux objets de cette évaluation:
- Pour l’évaluation cognitive, réalisée par médecin coordonnateur ou psychologue, test MMS, horloge ou autre. "Afin d’identifier avec précision des troubles cognitifs souvent majeurs"
- Pour l’évaluation des symptômes psycho-comportementaux des démences (SPCD): échelle NPI-ES
- Pour l’évaluation de la thymie, échelle gériatrique de dépression GDS-15 ou échelle d’Hamilton évaluant l’anxiété. A ne pas zapper "vu les doses d’anxiolytiques que se traînent souvent certains résidents"
- Pour l’évaluation de la mobilité et de l’équilibre -"étape essentielle et pas si complexe, réalisée par kinésithérapeute, ergothérapeute, médecin coordonnateur et infirmière coordinatrice": équilibre en position debout (épreuve de Romberg) yeux ouverts puis fermés; poussées sternales en position debout yeux ouverts; appui unipodal; tests Get up & go et Timed up & go pour estimer le risque de chutes
- Pour l’évaluation de l’état nutritionnel, penser: poids et évolution -"s’il a diminué, ce qui est souvent le cas, voir si c’est de 5% en un mois ou de 10% en quelques mois car c’est un signe de dénutrition"; apports alimentaires pendant et hors repas; état bucco-dentaire; fausses routes; recherche de carences, régimes. Des éléments "importants car en Ehpad environ 50% des résidents ont un trouble de la déglutition non identifié"
- En cas de dénutrition, si l’IMC est inférieur à 21, se questionner: est-ce dû à une insuffisance d’apports? Un syndrome inflammatoire? A de l’hypercatabolisme? Vérifier aussi le taux d’albuminémie. Et penser échelle MNA (Mini Nutritional Assessment)
- Question évaluation sensorielle, vérifier la vue (voir si les lunettes sont adaptées) et l’audition (en chuchotant), facteurs de risque de chute et d’isolement
- Question évaluation de la douleur, "choisissez l’échelle que vous voulez mais ne passez pas à côté", a insisté le gériatre, ajoutant qu’"on néglige trop souvent les douleurs neuropathiques". Et "vérifiez bien sûr les antalgiques prescrits et leur posologie"
- Pour l’évaluation du risque d’escarre, examinez peau, plaies, reliefs osseux, et zones humides… Et utilisez l’échelle de Braden
- Ne passez pas non plus à côté de l’évaluation des pathologies connues -"soi-disant suivies alors qu’en fait, avec les années, il y a souvent eu étiolement du suivi par un spécialiste"
- En matière de biologie, à moins de pouvoir récupérer un bilan hospitalier récent, demander un "bilan gériatrique". Et une biologie ciblée selon les éventuelles pathologies (ex: un dosage du PSA pour le risque de cancer de la prostate)
- Question évaluation de la thérapeutique, il faut se poser les bonnes questions: chaque médicament correspond-il à une pathologie en cours? Chaque pathologie a-t-elle son traitement optimal, ou y a-t-il sur-utilisation, utilisation insuffisante ou mauvaise utilisation de tel ou tel médicament? Y a-t-il des pathologies oubliées et donc non traitées? Des allergies, une intolérance, des contre-indications connues?
- L’évaluation du risque iatrogénique -"un des principaux risques d’hospitalisation"- est aussi capitale. Pensez fonction rénale, hépatique, albumine, ionogramme sanguin, anémie. Et posologies gériatriques –celles prescrites jusque-là sont-elles adaptées? Y a-t-il des interactions méconnues? Des effets secondaires?
- Pour l’évaluation du statut vaccinal, pensez grippe, mais aussi pneumocoque -"trop souvent oublié, D-T-Coq-polio et zona"
- L’évaluation de l’autonomie globale, via le GIR, vous connaissez pour sûr
- Pensez enfin protection juridique, personne de confiance et directives anticipées. Quid de l’entourage familial –est-il présent, impliqué, informé? Y a-t-il un proche référent? Une tutelle, une curatelle ou une habilitation familiale? Le résident a-t-il désigné une personne de confiance? Rédigé des directives anticipées écrites? "Ce qui reste rare, et n’est peut-être pas de la première urgence quand un résident arrive. Mais qu’il ne faut pas oublier."
Ouf, direz-vous! Mais, selon Benoît Gien, c’est à ce prix que l’on peut établir des recommandations et un suivi pertinent pour un résident. "Faut-il valider ou réadapter son traitement médicamenteux? Y a-t-il besoin de stimulation cognitive? De gym ou de kinésithérapie? D’une alimentation enrichie? Faut-il modifier le traitement des douleurs? Y a-t-il besoin de complément d’investigations? De l’avis de médecins spécialistes? D’un suivi biologique?"
Bref, "construire un projet de soins et d’accompagnement personnalisé" pertinent, "optimiser les capacités de compensation du vieillissement", et "aider au suivi médico-psycho-social".
ed/cbe/ab