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Infirmiers en pratique avancée : entre "rêve" et réalités
Xavier Gervais, vice-président de la Ffamco-Ehpad, mi-septembre à Nantes. Crédit: Emmanuelle Debelleix/Gerontonews
Que pourraient donc apporter les nouveaux infirmiers en pratique avancée, aux compétences élargies, aux Ehpad? De la théorie, alléchante, à la pratique, plus cruelle au plan financier, le fossé est encore de taille, estime le vice-président de la Ffamco-Ehpad, Xavier Gervais.
"En un sens, c’est un peu les infirmiers rêvés que l’on attendait tous. Des professionnels paramédicaux aux compétences cliniques poussées, capables d’assurer le suivi des résidents polypathologiques en Ehpad. Et permettant du même coup aux médecins coordonnateurs et aux infirmières coordinatrices de se recentrer sur le coeur de leur métier. Mais ça, c’est dans l’idéal. Dans les faits, rien n’est moins sûr, réalité financière du secteur oblige."
Intervenant mi-septembre à la 9e journée de management et de coordination en Ehpad, organisée à Nantes par l'Association gérontologique de recherche et d'enseignement en Ehpad (Agree), le vice-président de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en Ehpad (Ffamco-Ehpad), Xavier Gervais, a dit tout à la fois son enthousiasme et ses doutes à l’égard de l’impact que pourrait avoir, pour les Ehpad, l’exercice infirmier en pratique avancée (IPA) – qualifié de "nouveau métier".
A l'été 2018 paraissaient un décret et un arrêté définissant le périmètre d'intervention de ces IPA, disposant de compétences élargies, au carrefour des exercices infirmier et médical, et notamment censés participer à l'organisation des parcours entre la ville et les établissements et services de santé ou médico-sociaux. Une participation à la prise en charge globale des patients dont le suivi, lui, reste confié à un médecin.
A l’époque, les domaines d'intervention ouverts à l'exercice d'IPA, suite à l’obtention d’un diplôme d'Etat de grade de master, étaient au nombre de trois:
- pathologies chroniques stabilisées -à savoir: accident vasculaire cérébral (AVC); artériopathies chroniques; cardiopathie, maladie coronaire; diabète de type 1 et diabète de type 2; insuffisance respiratoire chronique; maladie d'Alzheimer et autres démences; maladie de Parkinson; épilepsie
- oncologie et hémato-oncologie
- maladie rénale chronique, dialyse, et transplantation rénale.
Depuis, un nouveau décret, daté du 12 août 2019, est venu spécifier que les IPA pouvaient exercer dans un quatrième domaine: "psychiatrie et santé mentale".
Portant approbation de l'avenant n°7 à la convention nationale organisant les rapports entre les infirmiers libéraux et l'assurance maladie, un arrêté, daté du 30 décembre 2019, a par ailleurs déterminé les modalités d’exercice professionnel et de valorisation associée pour les IPA exerçant à titre libéral.
Et le 12 mars dernier, deux décrets (ici et là) ont été pris concernant le statut d’IPA dans la fonction publique hospitalière (FPH) et les premières grilles de salaires associées. Des rémunérations qui, a indiqué au passage Xavier Gervais sans s’étendre, ont fait grincer bien des dents chez les IPA concernés.
"Quid de l’IPA en gérontologie, me direz-vous? Officiellement, toujours rien", a reconnu Xavier Gervais. Dans son rapport remis en octobre 2019 à Agnès Buzyn, Myriam El Khomri préconisait certes que "la possibilité d’exercer en tant qu’infirmière en pratique avancée en gérontologie (Ipag) en établissement ou à domicile devrait être effective dès 2021" -proposition déjà formulée par le rapport Libault, et par la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG). Mais rien.
"Il n’empêche", juge le représentant de la Ffamco-Ehpad: "A parcourir la liste des ‘pathologies chroniques stabilisées’, premier domaine d’intervention des IPA, vous le constatez comme moi, celles-ci concernent en premier lieu les personnes âgées… et donc nombre de résidents d’Ehpad". De là à envisager de recruter un "simple" IPA? Et pourquoi pas, plaide Xavier Gervais.
"Ces IPA cliniquement très bien formés aux polypathologies dont souffrent nombre de résidents ne sont-ils pas les infirmiers référents thématiques dont on rêvait tous en Ehpad?" Mais le vice-président de la Ffamco-Ehpad y met une condition: non pas "une IPA à la place d’une Idec [infirmière coordinatrice]" mais bien "une IPA et une Idec". Objectif: "que, l’IPA assurant le suivi clinique de ces résidents, l’Idec puisse enfin se consacrer totalement à ses missions de coordination", ainsi que "le médecin coordonnateur".
L’auditoire a opiné: ce nouvel exercice "est franchement une très bonne nouvelle." Mais une question a agité les rangs: "Qui pourra se payer ces professionnels?!" "C’est bien là que le bât blesse", a reconnu Xavier Gervais.
Qu’imaginer alors? Les pistes peinent à se dessiner. "Peut-être est-ce envisageable dans le cadre d’un CPOM [contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens] incluant le montage d’un ‘projet qualitatif’", a suggéré le représentant de la Ffamco-Ehpad. "Peut-être", mais "peut-être seulement", a semblé souffler l’auditoire pensif.
Les premières promotions d’IPA sont là, tout juste diplômées -"encore peu nombreux, quelques 300 professionnels pour le moment". Mais il reste difficile de savoir s’ils seront concrètement employés en Ehpad. Vaut-il mieux compter sur les interactions qui se noueront avec ceux qui, "qui sait, seront en poste en service hospitalier, ou en équipe mobile de gériatrie?", s’est interrogé un participant à la journée. "Pour le moment, peut-être", lui a répondu son voisin.
ed/cbe/ab